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Les plastiques biosourcés : des promesses décevantes

Vu les quantités effarantes de plastique à usage unique utilisées chaque jour, réduire ces quantités n’est pas une option. Vous avez récemment utilisé des sacs à fruits et légumes en “plastique” ? Il y a de grandes chances qu’ils aient été en plastique, oui… mais en plastique biosourcé, des plastiques en partie ou totalement d’origine naturelle, appelés aussi “bioplastiques”.

 

Les “plastiques biosourcés” sont-ils composés à 100% de matière végétale ? En fin de vie, comment sont recyclés les plastiques biosourcés ? Tour d’horizon sur les enjeux marketing et la dégradation des plastiques biosourcés.

Un constat alarmant : toujours plus de déchets

En 2018, 359 millions de tonnes de plastique (contre 1,5 million en 1950 !) ont été produites… dont 40% utilisées pour les emballages. Le plastique représentant quasiment 8% de l’utilisation annuelle des ressources en pétrole, il est grand temps de trouver des alternatives. De plus, la majeure partie n’est pas recyclable et tout ce plastique finit incinéré ou enfoui !

 

Face à ces chiffres accablants et qui peuvent donner le vertige, remplacer un matériau issu du pétrole par une matière renouvelable semble être une très bonne idée. On pourrait alors préserver nos ressources et même composter encore plus de déchets. En théorie, un plastique “bio” aurait tout d’une idée géniale ! Mais qu’est-ce qui est vraiment “bio” dans un plastique “biosourcé” ?

“Biosourcé”, “biodégradable”, “compostable” : notre confusion serait-elle un effet recherché ?

Zero Waste France, dans son dico-déchets, explique bien la différence entre tous ces termes. Certains peuvent donner des indications sur la composition du plastique (comme le terme “biosourcé”) tandis que d’autres indiquent la façon dont il va pouvoir être valorisé en fin d’utilisation (comme le terme “biodégradable”).

 

L’ADEME précise elle-même que “l’utilisation du terme « bioplastique », qui englobe les plastiques biosourcés et/ou biodégradables, pour qualifier ces plastiques présente un risque de confusion entre l’origine et la fin de vie des plastiques, pourtant totalement décorrélées. Par conséquent, le terme “plastiques biosourcés” est à privilégier.”

 

Chaque terme comporte une nuance indiquant la partie du processus qui est “naturelle”. Notre conseil : prêtez-y attention pour ne pas vous faire avoir par du marketing basique !

 

Les plastiques biosourcés : en partie d’origine “naturelle”

Les plastiques biosourcés sont en partie issus de sources renouvelables, c’est-à-dire de végétaux et même parfois, de coquillages ou d’algues. Ils se distinguent des plastiques “classiques” (qui sont des polymères, c’est-à-dire de grandes molécules composées surtout  de Carbone, d’Hydrogène, d’Oxygène et d’azote, en plus de certains autres éléments, comme le Chlore et le Fluor) car il sont, eux, créés exclusivement à partir de pétrole, une ressource non-renouvelable. 

 

La part “naturelle” des plastiques biosourcés provient en majorité de la canne à sucre et du maïs, plus particulièrement de la fermentation du sucre ou de l’amidon de maïs. Notez que d’un point de vue réglementaire, il n’existe pas de part minimale de biosourçage pour considérer un plastique comme “plastique biosourcé”.

 

Les matériaux compostables se dégradent dans des conditions précises de compostage

Le terme “compostable” désigne l’aptitude d’un produit à se dégrader en présence de déchets organiques et dans des conditions de compostage (montée en température, présence de micro-organismes spécifiques, etc).

 

Un (ou plutôt deux !) labels existent pour définir si un emballage est compostable. Le label “OK Compost” signifie qu’il est compostable … en compostage industriel, avec notamment une température constante autour de 60°C ! Vous devrez jeter un emballage labellisé “OK Compost” dans la poubelle des bio-déchets de votre commune. Le label “OK Home compost”, quant à lui, indique que l’emballage labellisé “OK Home compost” pourra se dégrader naturellement dans votre compost de jardin ou dans votre lombricompost.

 

Ne le jetez pas dans la nature cependant : il ne se dégraderait pas tout seul ! Il a besoin des conditions du compost domestique, notamment des bactéries et de la micro-faune du compost pour être dégradé.

 

Alors un “plastique biosourcé” qui ne se composte pas est-il “biodégradable” ? Encore moins !

Les matériaux biodégradables se dégradent “à l’air libre” 

Le terme “biodégradable” désigne l’aptitude d’un produit à se décomposer dans l’environnement et à se dégrader sous l’action de la micro-faune du sol et des caractéristiques “naturelles” du sol (humidité, chaleur). Le terme “biodégradable” n’indique d’ailleurs pas en combien de temps va se dégrader le produit.

 

La définition de “plastique biosourcé” étant “un polymère d’origine totalement ou partiellement renouvelable”, si le matériau n’est pas composé exclusivement de polymères d’origine naturelle, c’est qu’il contient des polymères issus de la pétrochimie, qui empêchent sa biodégradabilité en conditions naturelles.

 

Il existe de nombreux polymères biodégradables… mais tous ne le sont pas ! D’ailleurs, sur les 2.11 millions de tonnes de plastique biosourcé produites en 2018, seuls 43.2% étaient biodégradables.

Les utilisations des plastiques biosourcés dans l’industrie

Le premier type de plastique biosourcé, le Rilsan®, issu de l’huile de ricin, a été développé en 1947. C’est un plastique biosourcé reconnu pour sa protection durable contre la corrosion et l’usure. La recherche et l’utilisation des plastiques biosourcés ont ensuite surtout été développés dans les années 90, avec la création du PLA et des PHA.

 

Actuellement, les emballages à usage unique (sacs, emballages cosmétiques, bouteilles) étant encore un secteur très vorace en termes de quantités de plastique consommé, les industriels développent beaucoup la part de plastiques biosourcés dans ce secteur. En France, par exemple Natureplast, VeganBottle proposent des gammes étendues de plastiques biosourcés, biodégradables, compostables … ou non. Les plastiques biosourcés sont aussi utilisés dans le secteur agricole (pour les films de paillage au sol, notamment). Ils commencent à être utilisés également pour la fabrication de pièces automobiles, la médecine, la téléphonie ou encore pour l’impression en 3D

 

Il existe deux types de plastiques biosourcés

 

1. Ceux qui ont une structure identique au polymère fossile et qui ne sont donc pas biodégradables. Il s’agit des plastiques biosourcés de la famille des PHAs. Le plus utilisé est le PLA, l’“acide polylactique” : il est 100% biosourcé et compostable industriellement (voire en compost domestique avec un additif).

 

2. Ceux qui ont structure innovante et qui peuvent alors, dans certains cas, être biodégradables. Il s’agit des PE, PET, PA et des PU biosourcés.  

 

Les atouts et les opportunités de l’utilisation des plastiques biosourcés 

  • Préservation de ressources fossiles ;
  • Performances et chaînes de recyclage déjà développées (pour les plastiques biosourcés ayant la même structure que leur homologue pétrochimique) ;
  • Préservation des écosystèmes grâce à la biodégradabilité de certains plastiques biosourcés (ex : film de paillage agricole).

Les inconvénients et les risques de l’utilisation des plastiques biosourcés  

  • Coût de production élevé ;
  • Faibles performances mécaniques ;
  • Faible proportion de matériaux réellement recyclables ou biodégrables ;
  • Conflit d’usage (ressources alimentaires) et d’espace (les surfaces pourraient être utilisées pour cultiver de la nourriture) ;
  • Faible résistance à la chaleur (un objet en PLA se déforme à partir de 60°C)

Des alternatives éthiques et vraiment durables

Déjà que le tri sélectif peut donner des sueurs froides, le recyclage des plastiques biosourcés n’est pas garanti ! Nous pouvons agir à notre échelle pour réduire la consommation et surtout l’enfouissement de plastique, biosourcé ou non.

Comment savoir dans quelle poubelle jeter les emballages en plastique bio-sourcé ?

Vous l’aurez compris, si un plastique biosourcé a la même structure chimique que son homologue issu de la pétrochimie, les filières de recyclage seront les mêmes : vous pourrez le jeter dans la poubelle destinée aux emballages recyclables et il pourra être recyclé. Sinon, il faudra le jeter avec les ordures ménagères et il sera enfoui ou incinéré… avec les mêmes impacts néfastes sur notre santé et celle de nos écosystèmes que celles d’un plastique “classique”. Alors, comment faire la différence ? Si le plastique acheté n’est pas compostable, fiez-vous au symbole du recyclage sur l’emballage plastique en question : c’est la seule solution dans cette jungle !

Plastiques biosourcés et emballages alimentaires : focus sur Nathalie Gontard

Nathalie Gontard est directrice de recherche en sciences de l’aliment et de l’emballage à l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Elle coordonne plusieurs projets européens de recherche collective en économie circulaire et est experte auprès de la Commission européenne sur la sécurité sanitaire des aliments et l’évaluation de la recherche. Elle a publié “Plastique, le grand emballement” (Stock, 2020) dans lequel elle plaide pour un changement important des pratiques et une baisse de la consommation. La majorité des plastiques biosourcés étant utilisés pour l’alimentation, elle mène des projets de recherche pour proposer des matériaux biosourcés et inertes (la toxicité du plastique n’étant plus à démontrer), qui puissent transporter des aliments froids ou chauds sans se déformer… et que l’on puisse composter chez soi !

 

Mettre fin au plastique à usage unique avec des emballages réutilisables

Les plastiques biosourcés sont une poudre aux yeux qui nous permettent de déculpabiliser lorsque nous achetons des produits emballés. Mais nous rejoignons le constat de Zero Waste France : “les plastiques biosourcés ne permettront pas de résoudre la pollution plastique” ! L’association n’a de cesse de le rappeler : “Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas” !