Les insectes pollinisateurs : je t’aime, moi non plus !
Avec leurs poils aux pattes et leurs gros yeux, les insectes pollinisateurs n’attirent pas spécialement notre sympathie. Pour ne rien arranger, certains vont même jusqu’à nous piquer et on préfèrerait les avoir loin de nous. Ils sont en réalité si utiles pour assurer le bon fonctionnement de la dynamique des écosystèmes. Quel est le rôle de ces insectes pollinisateurs et que seraient nos vies d’humains sans eux ?
Le pollen de fleurs et les insectes pollinisateurs : une grande histoire d’amour
Pour que les fleurs se reproduisent, elles ont besoin que leur stigmate soit fécondé par du pollen. Dans la plupart des cas, la pollinisation est réalisée par le pollen d’une plante avec le stigmate d’une autre. La pollinisation peut dans certains cas être simplement assurée par le vent ; insectes et oiseaux assurent eux aussi la pollinisation des fleurs.
Parmi les insectes pollinisateurs, gardez en tête qu’une grande diversité d’insectes assure la pollinisation de nombreuses fleurs : les abeilles et les bourdons en tête, puis les papillons de jour et de nuit, les coléoptères et même les mouches ! Et parmi la grande famille des abeilles, les abeilles domestiques (Apis mellifera : celles qui produisent du miel) ne sont qu’une espèce parmi les 1000 abeilles (pour ne compter que celles de l’Hexagone) qui pollinisent les fleurs. Une diversité vraiment impressionnante !
Étant attirés par l’odeur du nectar ou par la couleur du pollen, ces animaux viennent se frotter aux fleurs pour se nourrir. Sur une première fleur, leurs plumes (dans le cas des oiseaux) ou leurs pattes voire l’ensemble de leur corps (dans le cas des insectes) se chargent de grandes quantités de pollen. Puis, l’animal va butiner une autre fleur et dépose alors quelques grains de pollen de la première fleur sur la deuxième. En même temps, il se charge de pollen de la deuxième fleur et part butiner une troisième et ainsi de suite, tant qu’il s’alimente sur des plantes en fleurs. Les pollinisateurs assurent donc ainsi la fécondation des fleurs qui, elles, leur offrent de l’alimentation.
Les menaces qui pèsent sur les insectes pollinisateurs
Dans la nature et dans un fonctionnement normal des écosystèmes, c’est-à-dire sans pression inhabituelle, tous les équilibres sont dynamiques. Le nombre d’individus dans une population augmente et diminue mais ce ne sont jamais des variations trop importantes.
Comme les êtres humains, certains insectes peuvent avoir leur système immunitaire diminué par un virus ou une bactérie. Ils sont par ailleurs au cœur d’une chaîne alimentaire complexe. La survie des individus est impactée par la qualité de ce qu’ils mangent et de leur environnement et celle de la population globale par la pression de leurs prédateurs.
Les insecticides
Vous avez sans doute entendu parler les 3 dernières années des “néonicotinoïdes”, ce mot compliqué qui fait référence à une famille d’insecticides malheureusement généralistes, c’est-à-dire qui tuent tout type d’insectes qui entrent en contact avec eux. Il n’épargne donc pas les insectes pollinisateurs, loin de là ! Cet insecticide a été développé pour l’agriculture : supprimer les insectes qui ravagent certaines cultures permet d’augmenter les rendements des parcelles plantées.
Le principal défaut de cet insecticide, c’est qu’il attaque le système nerveux des insectes et qu’il persiste très longtemps dans les plantes. La France étant le premier consommateur de pesticides en Europe, les néonicotinoïdes sont une menace très importante de la survie des abeilles domestiques. On parle même de « syndrome d’effondrement des colonies » face au constat de la mort massive des abeilles depuis 50 ans.
Les prédateurs
Il y a beaucoup d’animaux qui se nourrissent d’insectes. Parmi les prédateurs des abeilles par exemple, il y a des oiseaux (le guêpier d’Europe), d’autres insectes (la philanthe apivore qui les tue d’un coup d’aiguillon sous la gorge) et même des mammifères (le blaireau). Le prédateur le plus agressif est le frelon asiatique : il peut tuer jusqu’à 50 abeilles domestiques en une seule journée !
La maladie la plus meurtrière chez les abeilles domestiques, le varroa
L’une des maladies les plus présentes chez les abeilles domestiques est la varroose, qui est transmise par le varroa, un acarien qui pique les abeilles et leurs larves. Le varroa sévit en France depuis les années 80 et, vu sa virulence, il est désormais considéré officiellement considéré comme responsable d’une partie de l’augmentation de la mortalité des abeilles.
Les traitements existants n’étant pas efficaces à 100%, de nombreux apiculteurs font le choix de ne pas traiter leurs ruches avec. L’avenir nous dira si les colonies d’abeilles parviennent à développer une résistance naturelle à ce prédateur !
Que seraient nos vies sans pollinisateurs ?
Toutes ces menaces s’additionnent et augmentent la pression sur la survie des pollinisateurs. Les pressions que nos activités humaines à petite ou grande échelle exercent sur les pollinisateurs sont vraiment très importantes. Par exemple, c’est de par nos mouvements et l’import croissant de marchandises venant de multiples endroits de la planète que les frelons asiatiques ont pu coloniser des régions si éloignées de leur aire de répartition d’origine. C’est ensuite un cercle vicieux : les abeilles sont affaiblies et peuvent moins bien se défendre face à l’invasion du varroa et du frelon asiatique. D’un autre côté, plus il y a de personnes sur Terre, plus il y a besoin de les nourrir. Le système agricole institutionnel actuel encourage pour cela l’utilisation de pesticides et d’insecticides qui ont des effets désastreux sur les sols, sur la qualité de l’air ainsi que sur la survie d’un grand nombre d’espèces.
Menacés de toutes parts, les insectes pollinisateurs, qu’ils soient domestiques ou sauvages, n’ont pas de répit ! Et pourtant leur rôle est indispensable au bon fonctionnement des écosystèmes. Le ministère de la Transition écologique et celui de l’Agriculture et de l’Alimentation ont donc lancé ensemble en novembre dernier le plan national pollinisateur jusqu’en 2026. Ce plan “rassemble des mesures concrètes en faveur des insectes pollinisateurs sauvages et des abeilles domestiques, pour restaurer leurs habitats et améliorer leurs ressources alimentaires disponibles, ainsi que pour restaurer les services écologiques rendus par la pollinisation”.
Nos écosystèmes en danger
90 % des plantes à fleurs dépendent de la pollinisation par les insectes. Des garrigues sans euphorbe, des zones humides sans carex, sans orchidée, sans lys ni bégonia… Ces plantes sont l’alimentation principale voire exclusive de millions d’autres espèces : des milliers d’animaux herbivores ne pourraient plus se nourrir, et par réaction en chaîne, des milliers d’animaux carnivores non plus. Que deviendraient-elles alors ?
Comment évolueraient nos sols, notre atmosphère, nos océans ? Des écosystèmes sans vie : on préfère ne pas l’imaginer et surtout agir pour ne pas prendre le risque de le voir de nos propres yeux…
Nos assiettes presque vides
Compte tenu des services rendus aux écosystèmes par la pollinisation, l’institut de l’abeille a tenté d’évaluer la valeur économique de ce service écosystémique. Pour l’agriculture française, elle représente entre 1,8 et 2,8 milliard d’euros et à l’échelle mondiale, elle s’élève à plus de 150 milliards d’euros !
Le Ministère de la transition écologique estime que “35 % de ce que nous mangeons dépend de la pollinisation par les insectes”, que “plus de 70 % des cultures, dont presque tous les fruitiers, légumes, oléagineux et protéagineux, épices, café et cacao, dépendent de la pollinisation”. Ces insectes pollinisent des espèces fruitières comme la pomme et la fraise, des espèces maraîchères comme la tomate et le melon et aussi des espèces de grande culture comme le colza ou encore le tournesol. Autrement dit, sans insecte pollinisateur, si tant est que nous puissions survivre dans des écosystèmes aussi dégradés, nos repas seraient fades, peu nutritifs et tristement les mêmes… jour après jour.
Pour protéger les insectes à votre échelle
Pour éviter cette catastrophe et balayer cet avenir imaginaire lugubre, nous pouvons protéger ces fabuleux insectes pollinisateurs. Les écosystèmes sont résilients, les populations d’insectes aussi : ils n’ont pas dit leur dernier mot, loin de là !
Vous pouvez en apprendre plus sur eux en participant à des animations de l’Office pour les insectes et leur environnement. Vous pouvez aussi installer chez vous un rucher de biodiversité. Cette petite maison servira de refuge à diverses espèces d’abeilles sauvages. Autour, vous pouvez planter des graines : quand les plantes mellifères pousseront à partir de ces graines, elles pourront nourrir les abeilles domestiques. Une association Toulousaine envoie d’ailleurs gratuitement des bombes de graine à lancer dehors !
En complément de la lutte faite par les apiculteurs contre diverses menaces des abeilles domestiques, au printemps, vous pouvez protéger les abeilles en fabriquant un piège à frelon asiatique efficace. Prenez soin de fabriquer un piège vraiment sélectif, pour éviter de piéger des espèces indigènes plus petites, comme les abeilles et les bourdons.
Et finalement, pour préserver l’ensemble des écosystèmes, vous pouvez consommer des produits sans pesticides. C’est en exigeant des produits bons pour notre santé et celle de nos écosystèmes que nous pourrons faire entendre nos voix. Si personne n’achète de produits qui ont nécessité l’utilisation de produits chimiques pour augmenter les rendements, à qui seront vendus les pesticides ?